Archives par mot-clé : Renseignement Humain

Blended Ops et Raw Intelligence, histoire d’élargir son vocabulaire

Les néologismes peuvent parfois n’être qu’un nouveau vernis sur de vieux concepts. Mais même s’ils réinventent la roue, ils peuvent tout de même mettre en lumière un nouveau contexte, une nouvelle façon d’aborder ces concepts. C’est le cas ici.

L’Office fédéral de protection de la constitution (en allemand Bundesamt für Verfassungsschutz : BfV) est un service de renseignements exerçant son activité sur le territoire national, dont la mission essentielle est de surveiller les activités contraires (extrémistes ou hostiles) à la constitution de la République fédérale d’Allemagne.

Il a 3 missions:
– L’obtention et la valorisation du renseignement (principalement de sources ouvertes).
– Le contre-espionnage (politique, industriel et militaire).
– La protection des informations confidentielles (détenues par l’Etat ou par des entreprises industrielles travaillant pour son compte).

Chaque année, il publie un rapport de la protection de la Constitution (Verfassungsschutz­bericht) qui fournit des informations sur la nature et l’ampleur des menaces, sur les organisations et les groupes hostiles, ainsi que sur les activités d’espionnage contre l’Allemagne.

Dans l’édition publiée en été 2018, on peut y lire page 267 (traduction):

« Au cours de la numérisation de la société, l’importance de l’acquisition d’informations d’origines techniques n’a cessé de croître. En plus de l’espionnage, les cyber-attaques peuvent également être utilisées à des fins de sabotage : Ce danger s’applique en particulier aux infrastructures dites critiques. L’efficacité croissante de l’espionnage numérique, cependant, ne s’accompagne pas d’une perte d’importance des sources humaines.
Au contraire, ces possibilités d’obtenir des informations se complètent mutuellement et augmentent ainsi le danger potentiel. Les victimes potentielles doivent donc non seulement protéger leurs biens des tentatives d’espionnage externe, mais aussi des employés déloyaux qui sont recrutés, font l’objet de chantage ou même sont délibérément introduits clandestinement par des services de renseignement étrangers à ces fins. »

Le rapport donne l’exemple des agences de renseignement chinoises qui utilisent LinkedIn pour recruter à grande échelle des informateurs et des agents. Un premier contact en ligne suivi d’une invitation à venir en Chine.

Cette combinaison des sources humaines et techniques est appelée en anglais « Blended Ops » (Opérations mixtes). Continuer la lecture de Blended Ops et Raw Intelligence, histoire d’élargir son vocabulaire

Le renseignement humain à l’ère numérique – La préface du général Jean-Pierre Meyer

Le Général (2e section) Jean-Pierre Meyer a accompli une partie de sa carrière dans le renseignement et les opérations. Il a notamment été directeur des opérations à la Direction du Renseignement Militaire puis directeur au Comité Interministériel du Renseignement au Secrétariat Général de la Défense Nationale. Il a accompli, par ailleurs, plusieurs séjours en opérations extérieures notamment à Sarajevo comme commandant en second des forces multinationales. En outre, il a effectué de nombreuses missions de conseil pour des grands groupes à vocation stratégique. Il est co-fondateur et président du Cercle K2.

Le renseignement humain a toujours été l’apanage des services de renseignement français. Il est reconnu par les services étrangers notamment américains qui ont fait depuis longtemps effort sur le renseignement technique. Notons que le réseau d’écoute Echelon date d’avant la fin de la deuxième guerre mondiale.

Pendant plusieurs années plusieurs écoles se sont opposées sur cette notion d’humain : était-ce la cible ou le capteur ?

Cette question est tranchée, l’Homme est la cible.

Cet Homme est bien au cœur du sujet. J’oserais dire enfin, car si nous nous sommes beaucoup intéressés à la technique surtout après la guerre, nous constatons maintenant que l’Homme est « au centre du dispositif ». Continuer la lecture de Le renseignement humain à l’ère numérique – La préface du général Jean-Pierre Meyer

Mon livre « Le renseignement humain à l’ère numérique »

J’ai le plaisir de vous annoncer la parution de mon livre « Le renseignement humain à l’ère numérique ». Il est édité par VA Press dans la collection « Indiscipliné » dirigée par Nicolas Moinet.

Cet ouvrage traite du cœur de toute démarche de renseignement : la capacité à recueillir du renseignement auprès de sources humaines, directement ou par l’intermédiaire des outils numériques (en particulier les réseaux sociaux). Quels comportements et quelles techniques peuvent être utilisés pour gérer des sources et traiter le renseignement acquis ? Entre manipulation, élicitation et suggestion, nos failles personnelles sont abordées tout comme la capacité de chacun d’entre nous de recueillir ce type de renseignements dans un cadre légal et éthique… Continuer la lecture de Mon livre « Le renseignement humain à l’ère numérique »

Les « règles de Moscou » de la CIA

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De nombreux spécialistes du renseignement s’accordent, depuis quelques années déjà, pour dire que nous avions changé de paradigme. L’ère numérique que nous vivons et les moyens colossaux mis en oeuvre par les américains sur les méthodes de surveillance et d’interception des communications électroniques, en partie révélés par Edward Snowden en 2013, ont conduit à un retour aux « vieilles méthodes » de la part de leurs adversaires qui n’ont pas voulu, ni pu, entrer dans cette danse.

La traque de 10 ans de Ben Laden a été le symbole de cette affrontement qui ne se jouait pas sur le même échiquier. Il n’est désormais plus rare de voir des titres d’articles que nous avions moins l’habitude de lire depuis la guerre froide comme, au hasard : « Un pigeon espion arrêté en Inde » ; « Norvège: la Russie ferait du chantage sexuel sur des politiques » ; « Yemen: L’incroyable histoire de l’agent double qui a infiltré Al-Qaida ».

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Ces vieilles méthodes (essentiellement le renseignement humain), négligées depuis la fin de la guerre froide contre la promesse que les satellites, les drones et Big Data auraient la réponse à toutes les questions, sont de nouveaux plébiscitées.
Elle le sont en France également avec une intensité grandissante depuis l’affaire Mérah, l’affaire Charlie Hebdo et maintenant les attentats du 13 novembre.

Parmi ces vieilles méthodes, on trouve les « règles de Moscou », règles informelles développées au cours de la guerre froide par la CIA pour être utilisé par les agents sur le terrain, en particulier à Moscou, ville réputée comme la plus difficile et dangereuse à infiltrer.  Continuer la lecture de Les « règles de Moscou » de la CIA