Ceux qui m’ont fait le plaisir de suivre mon ancien blog « Tais-toi quand tu parles! » le savent, j’aime souffler sur les vieux documents pleins de poussière. Je vais continuer cette démarche. Pourquoi ?
Parce que nous, jeunes gens, avons souvent tendance a penser que nous inventons le monde au travers de nos petits billets. Souvent pertinents, là n’est pas la question, mais généralement partiels ou sommaires (le format blog n’arrangeant pas le problème) face a certains travaux universitaires, ou pas, réalisés parfois il y a un bon nombre d’années.
C’est pourquoi j’aime réhabiliter certains travaux qui, je le sais, sont peu consultés. Je m’en convainc par la manière dont je les débusque, pleine de sérendipité, donc chronophage. Aux tréfonds d’un site dont la dernière mise à jour date du 2 janvier 1999, stockés sur le serveur d’un club de bridge (déjà vu!),…
C’est d’autant plus dommage que ces travaux sont incroyablement riches et qu’ils se suffisent à eux-mêmes. Pas besoin de ressasser, parcelliser, se donner de l’importance en donnant l’illusion qu’on argumente sur des idées neuves. Bref…
Voici un article scientifique qui date d’octobre 1995, écrit par Humbert Lesca et Marie-Laurence Caron.
Il traite de la veille stratégique en partant de l’hypothèse que le dirigeant, seul, contrairement à l’image qu’il veut faire paraitre ou que l’on s’en fait, sait qu’il nage en pleine incertitude. Face à cette incertitude, l’intelligence collective prend toute sa place. Elle repose, en partie, sur la capacité à recueillir de l’information, mais surtout d’avoir la capacité d’en faire un usage différé, ce qui est le cas de figure le plus commun.
D’où l’importance de la mémoire de l’entreprise, qui n’est pas du « bourrage » d’armoires ou de disque durs. Afin de « produire du sens » tant individuel que collectif, il faut prendre en compte les processus cognitifs des individus pour bien regrouper et lier les informations. Tout cela pour rendre possible et optimiser l’usage collectif différé de l’information. Mais vous en saurez plus en lisant l’intégralité de l’article.
J’ai trouvé ce document dans la partie « Publications » sur le site Veille Stratégique qui est le site de l’équipe du professeur Lesca du CERAG de Grenoble. Il y en a quantité d’autres aussi intéressants que je vous invite à consulter.
Bonne lecture et n’hésitez à laisser vos commentaires !
(Cliquez sur le carré en haut à droite pour voir le document en plein écran)
Excellent démarche (d’aller chercher dans les archives) et article remarquable.
Trés bel article.
J’ajouterai que l’entreprise est un organisme vivant qui sélectionne dans le réel les infos qui lui profitent en fonction de sa culture propre : une entreprise trés orientée « compétition interne » ne se comportera pas comme une entreprise qui joue trés « collectif ».
La vision stratégique est donc le produit d’une histoire.
sympa l’article mais le Flux RSS ne fonctionne pas. lorsque je clique j’ai l’icone RSS qui s’affiche seul
C’est très vrai, la culture interne est un paramètre à prendre en compte. Et même très fortement, car ne pas le faire lors de la mise en place de la démarche peut compromettre sa réussite future. Vous m’avez donné envie de développer le sujet, si vous avez des références de billets, articles, ouvrages,… ça m’intéresse !
Merci pour l’encouragement. En ce qui concerne le flux RSS, chez moi ça fonctionne. Je vais regarder mais j’espère que vous n’êtes pas nombreuses et nombreux dans ce cas !!! Manifestez-vous aussi non…
Merci pour cet excellent article.
Pour info j’ai relu très récemment un autre de Lesca très intéressant (comme l’ensemble de ses travaux, il s’agit d’Usage innovant du site web pour la provocation d’informations d’origine terrain », publié en 2006 et présent dans la page que tu cites.
Bonjour. Sympa votre blog. J’aimais bien l’ancien aussi.
Qu’est-ce qu’une veille stratégique ? Toute vielle n’est-elle pas stratégique selon qu’elle serve ou non la stratégie de l’organisation ?
exemple : Une veille normative qui fait découvrir à l’artisan menuisier que la norme NFXXX portant sur les standards de découpe des fenêtres en allu, est entrain d’être changée. Cette veille n’est-elle pas assez stratégique ? Le menuisier a intérêt à adapter ses machines-outils à la nouvelle norme, sinon il hors business !
Berosus
Bonjour Berosus et merci pour votre opinion sur mon blog.
Je ne suis pas à l’origine du titre du document que j’ai recopié à l’identique.
Mais je partage entièrement votre avis sur l’utilisation abusive du mot stratégique qui ne signifie rien en soi.
C’est un mot qui sert seulement à mettre en valeur le terme qui le précède, le rendre « sexy ».
Faire de la veille normative c’est ennuyeux, faire de la veille stratégique c’est déjà un peu plus sulfureux, on entre dans la confidence. Même si on peut parler exactement de la même activité. C’est un mot qui change la perception, et c’est souvent très efficace face à des néophytes.
Merci pour votre commentaire !
Je pars du principe que l’intelligence économique, apparaissant dans les cursus de l’enseignement supérieur dès les années 2000, a besoin d’être « ré-enchantée », passant du stade artisanal à celui d’une discipline à part entière.
Ce n’est pas pour autant, effectivement, qu’il faut oublier systématiquement les travaux réalisés dans le passé sous prétexte que l’on ne s’intéresse plus qu’aux réseaux sociaux et autres recherches sur la structurations du web.
Tombant par hasard sur votre article, j’ai bien évidemment parcouru attentivement le site de H.Lesca ainsi que l’article que vous évoquez. Je pense qu’il y a, dans ce « stratégique », tout ce qui distingue la discipline de l’IE de celle du documentaliste, c’est à dire le fait de se préoccuper des causes, de les identifier, pour élaborer les connaissances qui permettront au décideur de prendre position sur le ou les scénarios optimaux pour lui.
Frédéric Marin, le 5 mai 2010
Bonjour Monsieur Marin,
Merci pour votre commentaire.
Je suis un jeune diplomé en IE et j’ai été entièrement « enchanté » par ma formation (ICOMTEC). En ce qui concerne votre souhait de professionnalisation de cet enseignement à l’université, tout dépend ce que vous mettez derrière ce « professionnaliser ». Pour vous faire part de mon ressentit à ce propos, ce qui m’a le plus enrichit, je pense, durant ma formation, c’est de côtoyer des profils provenant d’horizons très variés, d’avoir un enseignement non pas généraliste mais large, de travailler en groupe et parfois dans l’urgence,…
Ceci ma professionnalisé, m’a permis d’intégrer la multiculturalité et de prendre de la hauteur pour prendre en compte le plus de paramètres possibles face à une problématique donnée. Bref c’était moins une formation à une discipline que l’intégration d’un état d’esprit et de réflexes qui, je le pense, nous arme pour réussir dans le monde d’aujourd’hui.
Par exemple, vous êtes un spécialiste des systèmes d’information, et c’est parce que je n’y entend rien sur le pan technique que travailler ensemble sur un projet X approprié serait riche pour nous deux et pour le projet.
Avoir autant de profils et de compétences qu’il y a d’étudiants et de praticiens en IE, en voilà une richesse pour cette discipline.
En ce qui concerne votre réponse sur l’emploi du mot stratégique, je suis d’accord avec vous sur la vocation du praticien en IE (« se préoccuper des causes, de les identifier, pour élaborer les connaissances qui permettront au décideur de prendre position sur le ou les scénarios optimaux pour lui »).
Je dois avouer que l’amalgame possible entre veilleurs et documentalistes m’échappe même si je l’ai déjà entendu. Ce que je voulais dire dans mon commentaire précédent, c’est que si par veille stratégique on entend une veille qui puisse amener à une prise de décision optimale, à quoi servirait de faire une veille qui ne serait pas stratégique ?
Merci pour votre commentaire et félicitation pour votre blog que je suis depuis quelques semaines.
Je pense avoir laissé planer une ambiguïté dans mon propos trop rapide ; nous assistons aujourd’hui à une mutation importante du monde de l’IE, qui passe d’une culture du renseignement (symbolisée par le trop fameux « cycle du renseignement ») à une culture de défense de l’entreprise (symbolisée par les dernières interventions de Olivier Buquen), culture donnant comme finalité à l’IE de renforcer les capacités de performance de l’entreprise pour en assurer la pérennité.
Nous assistons par ailleurs à une accélération du cycle vital de l’information, incompatible avec le schéma d’organisation classique des structures de veille : le monde de l’entreprise doit être infiniment plus réactif avec infiniment moins de moyens que le monde de la défense militaire. En ce sens, les schémas et pratiques de l’IE doivent subir un ré-enchantement ».
L’enseignement supérieur, à travers ses cursus en IE, a apporté ses lettres de noblesses à l’IE, la mutant de simple pratique au rang de discipline ; mais ce dernier a induit, également, un courant de recherche multi-disciplinaire associant sociologues, linguistes, mathématiciens, informaticiens, …, qui met à notre disposition de nouveaux moyens dont les modalités d’usage restent encore à inventer.
En ce sens, l’enseignement supérieur, lui également, doit être « ré-enchanté », associant ce qu’il amène de meilleur aux nouveaux moyens que ses centres de recherche ont produit pour fournir à ses étudiants les moyens de traiter des situations d’actualités, brûlantes, mettant en situation des jeux d’acteurs aux enjeux évoluant sans cesse, produisant des demi-connaissances ni vraies ni fausses …
Concernant la définition des termes de veille et de stratégie, nous sommes face à ce problème de ré-enchantement : caricaturant, il y avait, avant, des veilleurs qui veillaient et des analystes qui analysaient : ce n’est plus possible maintenant, compte tenu de la réactivité que la société de la connaissance et de l’information nous impose ; il ne peut plus y avoir qu’une veille stratégique (nous sommes bien d’accord sur ce point).
Concernant nos amis documentalistes, reportez vous par exemple à la discussion sur http://www.precisement.org/blog/Les-methodes-des-documentalistes-a.html#forum351
amicalement,
Frédéric Marin
Nous ne discutions effectivement pas de la même strate.
Je partage vos analyses, notamment sur l’accélération du cycle de l’information, j’y rajoute une croissance de la complexité de son contenu sur un plan quantitatif mais aussi qualitatif.
Comme vous le dites, les modalités d’usage restent à inventer. Je trouve cela personnellement stimulant.
Merci encore.
Merci pour l’article et votre discussion! A mon avis il faut qu’on continue à réfléchir comment on peut utiliser ses réseaux pour identifier et analyser le changement (technologique et de besoin) et aussi utiliser les mêmes réseaux pour créer les réactions. Dans ma recherche j’ai trouvé que il existe des réseaux de traqueurs qui sont construit pour trouver des technologies émergentes et en même temps à aider leurs l’acquisition.
A bientôt
René Rohrbeck
oui, mais avec le soucis constant de tenir à bout de bras cette technologie envahissante qui doit rester au service des usagers de la veille.
IIl s’agit bien, peut-être, de l’une de nos missions premières, que de mettre à disposition de ceux-ci des moyens qu’ils utilisent, et non face auxquels ils mettent en place des stratégies de substitution pour des raisons de « phobie technologique ».
Frédéric Marin – alfeo.org