On entend par intelligence collective les capacités cognitives d’une communauté résultant des interactions multiples entre ses membres afin d’atteindre un objectif dans un environnement complexe.
Cette définition a le mérite de la simplicité mais cette intelligence collective revêt bien des nuances qu’il est bon d’appréhender afin d’en cerner tous les enjeux et les évolutions pour la manager au mieux. Je m’appuierai sur les travaux de Jean-François Noubel, fondateur de The Transitioner, une organisation de recherche et de développement en intelligence, conscience et sagesse collective dont je vous recommande le suivi.
Dans la nature et depuis toujours, lorsque les organismes vivants s’organisent en groupes, ils créent une entité qui développe des propriétés propres qu’individuellement, chacun des organismes n’auraient pas pu développer. C’est ainsi que selon la formule consacrée : le tout devient supérieur à la somme des parties.
On distingue 3 formes d’intelligences collectives qui apparaissent successivement dans le temps :
– L’intelligence collective originelle est celle des petits groupes, de la tribu, de la meute. On la trouve par exemple chez les équipes de football, les prédateurs qui chassent en meute, les musiciens de jazz,… Le moyen d’expression est le corps. C’est un espace physique dont l’architecture est intentionnellement conçue pour donner à ses acteurs la faculté de voir et percevoir l’ensemble de ce qui s’y déroule (holoptisme). C’est un système souple, adaptable, réactif et performant. Néanmoins, ce système atteint vite ses limites tant au niveau du nombre qu’au niveau spatial. L’Homme en s’organisant en société a donc dû trouver un autre mode d’organisation qui devait permettre de braver le nombre et la distance ;
– L’écriture est le moyen d’expression qui a permis l’émergence de ce nouveau mode d’organisation qu’est l’intelligence collective pyramidale. En effet, elle a permis de transmettre des directives, d’administrer, de compter. Ce système est régit par les normes et est, par là même, inadapté au changement. L’information est une ressource rare distribuée par l’autorité. Le travail est divisé et chacun effectue une tâche spécialisée. De ce fait, c’est un système panoptique (opposé à l’holoptisme), l’information converge vers un point central (souvent vers le haut de la hiérarchie), et n’est que partiellement, voire pas du tout accessible aux autres membres (déperdition vers la base). Les Armées, les administrations et les entreprises sont généralement organisées sous ce mode. Depuis l’émergence d’Internet, une troisième forme est apparue ;
– L’intelligence collective globale. Elle a les mêmes caractéristiques que l’intelligence collective originelle mais les systèmes de communication actuels permettent de s’affranchir des limites du nombre et de la distance. Les canaux d’expression sont les réseaux sociaux, les wikis, les logiciels libres, l’entreprise 2.0,… Les individus collaborent de leur plein gré, sans structure hiérarchique dirigiste, dans un but commun.
En résumé, l’intelligence collective pyramidale est un mode d’organisation par défaut qui a émergé pour gérer le compliqué de la taille et de la distance mais inapte à la complexité du changement et de l’innovation. Nous assistons, avec l’émergence de cette intelligence collective globale, à une véritable révolution qui bouleverse les modes de collaboration au niveau de la société, donc au niveau de l’entreprise. Il s’agit pour cette dernière d’engager une démarche proactive face à ces évolutions afin de ne pas les subir car elle y viendra quoiqu’il arrive, donc sans retard et sans regret.
Pour compléter, voici une vidéo où Jean-François Noubel explique le concept d’holoptisme :
J’apporterai dans un prochain billet quelques nuances à ce discours, notamment en matière de sécurité. Un décideur, par exemple, pour assurer la sécurité de son entreprise doit cloisonner ces sources d’informations, c’est-à-dire conserver une organisation plus ou moins panoptique…. A suivre
N’hésitez pas à apporter des précisions ou des commentaires.
La sociocratie d’Endenburg a ouvert cette voie de l’intelligence collective globale dans les années 70-80. Sans doute pas aussi globale qu’avec les moyens NTIC actuels, mais c’était une très belle avancée pour l’époque.